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2 octobre 2020

Crise du Covid : un bilan et beaucoup de questions…

Auditionnés par le Parlement en juillet et en septembre sur le déroulement de la crise sanitaire du printemps, les représentants des médecins coordonnateurs ont souligné plusieurs carences dont certaines perdurent… Pas très rassurant en cette phase de circulation active du virus.

Après chaque crise, quelles qu’elles soient, un bilan s’avère nécessaire. Il n’est donc pas étonnant que les parlementaires aient profité de l’accalmie estivale pour s’intéresser de plus près à la crise sanitaire du printemps et dans cet exercice, comme dans beaucoup d’autres, les médecins coordonnateurs ont été en première ligne, que ce soient Nathalie Maugourguet, présidente de la FFAMCO et Odile Renaud-Lévy, vice-présidente de MCOOR auditionnées en juillet par l’Assemblée nationale, ou encore Pascal Meyvaert, médecin coordonnateur en Alsace, au tout début du mois de septembre par le Sénat. Que retenir de ces longues auditions que l’on ne sait déjà ? Pas grand-chose globalement, même si certains éléments retiennent l’attention dans l’optique d’une deuxième vague. Bien évidemment, les sous-effectifs et le manque de matériel de protection ont été des axes forts de l’intervention de juillet, Odile Renaud-Lévy rappelant au passage, qu’un quart des établissements ne comptait aucun médecin coordonnateur. De la même manière, celle-ci a expliqué que les unités Covid, créés dans les établissements qui le pouvaient, s’apparentaient à une prise en charge hospitalière sans en avoir les moyens, sachant que dans certains Ehpad, plus aucun médecin traitant n’était présent.

Une étude sur l’impact de la crise sur les Ehpad en cours

Une grande partie de cette audition du 21 juillet a également porté sur la perte de chance des résidents présents en établissement et notamment le fait de savoir si, à un moment ou un autre de la crise, les services d’urgence ont procédé à des refus hospitalisation sur des critères d’âge. Selon Nathalie Maubourguet, rien n’a été formellement décidé en ce sens, mais dans certaines régions, les urgences étaient tellement saturées que le 15 n’était simplement plus accessible et de nombreux Ehpad ont dû gérer seuls et bien souvent sans le matériel nécessaire, le décès de leurs résidents. Les deux représentantes des médecins coordonnateurs ont toutes les deux souligné l’importance de « remédicaliser » de façon exceptionnelle les Ehpad en cas d’urgence sanitaire. Elles proposent également que les hotlines gériatriques aient à disposition une régulation sur lits privés en cas de besoin. A noter que Mcoor est en train de réaliser une enquête destinée à évaluer l’impact de la crise sur les établissements du côté des directeurs, des psychologues et des médecins coordonnateurs, avec des résultats attendus lors des prochaines Assises nationales de la profession qui se dérouleront le 14 et 15 octobre à Paris. Interrogé début septembre, devant le Sénat, Pascal Meyvaert, n’a pas tenu un discours radicalement différent que ses deux consœurs, rappelant en détails la violence de la crise qui s’est abattue sur le Grand-Est, la région au sein de laquelle il officie. Il a également fait état de ses nombreuses craintes pour les mois à venir.

Mieux armés pour affronter le rebond ? Vraiment ?

Les Ehpad sont-ils prêts à affronter une deuxième crise d’ampleur ? Là est bien la question. A écouter, Virginie Lasserre, directrice de la DGCS et auditionnée le même jour devant le Sénat, « on est quand même beaucoup mieux armés face à un rebond de l’épidémie ». Pour étayer son propos, celle-ci a cité pêle-mêle, les nombreux dispositifs sur lesquels les médecins coordonnateurs peuvent désormais s’appuyer comme le matériel de protection en nombre suffisant ou les mesures de soutien en ressources humaines disponibles pour l’ensemble du secteur, notamment la plateforme nationale « Renfort RH », mis en place par la DGCS fin juillet et qui compte 3 000 volontaires enregistrés. Celle-ci a enfin rappelé la pérennisation des filières gériatriques ou encore les équipes mobiles de soins palliatifs. Autant de constats plutôt rassurants que ne partagent pas forcément les médecins coordonnateurs.

Un numéro dédié pour les établissements

« Après avoir réalisé un bilan de la crise lors de cette audition parlementaire, je pensais qu’un certain nombre de leçons avec été tirées. Malheureusement, ce n’est pas le cas partout », affirme ainsi Nathalie Maubourguet. Filières gériatriques, ailes Covid au sein des hôpitaux ou encore mise à disposition des équipes mobiles… « tous ces dispositifs ne semblent plus fonctionner de manière aussi opérationnelle et égalitaire sur l’ensemble du territoire depuis le 10 juillet, date de la fin de l’état d’urgence sanitaire. » De la même manière, en cas de deuxième vague la présidente de la FFAMCO milite pour l’instauration d’une filière spéciale afin de ne pas emboliser le 15 ! « Compte tenu des plus 700 000 résidents aujourd’hui en Ehpad qui sont rappelons-le, à haut risque, ce ne serait pas du luxe de prévoir un numéro dédié pour faciliter leurs admissions en cas d’urgence, d’autant que le phénomène ne va pas s’améliorer en raison de la reprise d’activités normales des services hospitaliers. » Enfin, Nathalie Maubourguet déplore que la question de la médicalisation des Ehpad ne soit toujours pas à l’ordre du jour du gouvernement alors que le virus circule à nouveau : « Loin de moi l’idée de transformer les Ehpad en hôpital bas de gamme, mais bien de nous doter d’un minimum de matériel nécessaire pour être suffisamment autonome en cas de crise. Je pense en particulier aux électro cardiogrammes, à l’oxygène, mais aussi à certains médicaments… »

Une inquiétude que partage Pascal Meyvaert pour ce qui est du matériel de protection. Selon lui, avec les annonces du gouvernement de donner à partir du 30 septembre la responsabilité aux Ehpad de se fournir eux-mêmes en EPI, il faut se préparer, tant pour les établissements que pour tous les personnels libéraux qui seront amenés à intervenir en Ehpad. « Cela nous place dans une grande incertitude, d’autant que cette opération ne va pas être neutre économiquement pour les établissements vu l’envolée des prix. »

Enfin, la question des ressources humaines apparaît toujours comme la principale problématique des Ehpad et l’on note sur le sujet un certain décalage entre le discours rassurant des pouvoirs publics et les alertes du terrain (voir dossier). Un décalage qui rappelle étrangement le dialogue de sourds du printemps…


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