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© Patrick Dagonnot

10 décembre 2018

“Ehpad, hôpital : il faut améliorer le dialogue.”

Entretien avec Patrick Pelloux, médecin urgentiste et président de l’Association des médecins urgentistes de France

Présent lors de la table ronde des Assises des médecins coordonnateurs sur les infirmières de nuit et membre du Samu de Paris, l’urgentiste Patrick Pelloux revient sur la nécessité de fluidifier les relations entre les Ehpad et l’hôpital.

Le Journal du Médecin Coordonnateur : Lors des Assises des médecins coordonnateurs, vous avez souligné les difficiles relations entre les services hospitaliers d’urgence et les Ehpad pour ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées. Comment se concrétisent-elles ?

Patrick Pelloux : Le principal problème quand les services d’urgences sont sollicités par un Ehpad est qu’il faut tout recommencer à zéro, car les personnels hospitaliers ne savent presque rien de la situation médicale de la personne âgée qu’ils doivent prendre en charge. Ceci est d’autant plus grave que la médicalisation au sein des Ehpad est très hétérogène, que l’accès au dossier médical est souvent impossible, le médecin coordonnateur n’étant pas présent, et que l’on ne sait presque rien des choix des résidents pour ce qui est des directives anticipées. Dans ces conditions, il n’est pas rare de se retrouver à la merci de l’acharnement thérapeutique pour les cas les plus lourds.

Le JMC : Pourtant des outils existent pour favoriser ce type d’échanges comme le DLU ?

P.P. : Oui ces outils existent mais ils ne sont absolument pas efficients aujourd’hui. Il convient donc de se doter d’une organisation permettant de mieux faire communiquer un système hospitalier et un système médico-social qui ne dialoguent presque jamais. Je suis par exemple favorable à la création au sein des Ehpad d’une simple fiche présentant l’état médical le plus récent du résident, de manière à anticiper l’intervention des services d’urgence. De la même manière, il conviendrait que chaque établissement compte un kit d’urgence minimum. Il n’est pas normal que tous les Ehpad ne soient pas au moins doté de bouteilles d’oxygène !

Le JMC : La mise en place du dossier médical partagé peut-elle permettre de sortir de l’impasse ?

P.P. : En théorie, il s’agit d’un bon outil mais dans la pratique cela fait presque quinze ans que l’on attend sa mise place, il faut donc rester prudent sur les dernières annonces du gouvernement. En tous cas, une chose est certaine : il faut agir vite car si la transmission des informations médicales ne reste pas entre les mains de la sécurité sociale et de l’Etat, des opérateurs, comme Facebook ou Google, ne tarderont pas à s’en emparer avec une privatisation de la santé publique à la clé…

Le JMC : Vous dénoncez également le cloisonnement des spécialités (gériatres, chirurgiens, urgentistes) qui fait que chacun travaille dans son coin. Faut-il pour cela réformer la formation initiale ?

P.P. : Les études médicales fonctionnent en effet en silos depuis des décennies, ce qui ne favorise absolument pas les échanges. Celles-ci sont élaborées par des universitaires qui pensent et réfléchissent comme au XXème siècle, mais nous avons changé d’époque ! Les générations à venir devraient assumer au moins trois métiers différents durant toute leur carrière professionnelle, je ne vois pas pourquoi les médecins feraient exception à la règle. Il semble donc nécessaire de faire évoluer la formation initiale de façon à ce que des passerelles existent entre les différentes spécialités et que par exemple le dialogue entre un urgentiste et un gériatre soit facilité.

Le JMC : La mise en place des infirmières de nuit vous parait-elle une bonne option pour réduire les hospitalisations inutiles et permettre un accueil aux urgences dans de meilleures conditions ?

P.P. : Même s’il faut préciser que les Ehpad ne sont pas des établissements hospitaliers, la présence des infirmières de nuit peut permettre de fluidifier les échanges entre services d’urgence et les établissements. Leur présence me semble même indispensable pour les entités qui comptent d’important services de soins de suite et de réadaptation ou encore celles pour lesquelles les résidents en soin palliatifs sont les plus nombreux. Encore faut-il s’entendre sur les modalités de leur intervention (un ou plusieurs établissements) et sur la question de leur financement…


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