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© Patrick Dagonnot

17 avril 2020

La parole à… Virginie Magnant, directrice générale de la CNSA

Si la Direction Générale de la Cohésion Sociale au Ministère est forcément en position leader dans cette crise (cf. MMR 229), la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie ne reste pas pour autant les bras ballants. Virginie Magnant, directrice générale de la CNSA et Stéphane Corbin, désormais n°2 de l’institution née au lendemain de la canicule de 2003, ont trouvé un moment cette semaine pour s’entretenir par Zoom avec le MMR.

Le MMR : Quel rôle joue la CNSA dans la gestion de la crise actuelle ?

Virginie Magnant : La CNSA est pleinement partie prenante du dispositif de veille et de gestion de la crise. Je suis pour ma part membre du conseil national de pilotage des ARS. À ce titre je participe au point Covid quotidien organisé sous l’égide du Ministère avec les directeurs généraux des ARS.

Nous sommes également associés avec la DGCS à la réunion hebdomadaire des responsables Autonomie des ARS. Et nous participons aux deux points hebdomadaires que la DGCS mène avec les fédérations d’Ehpad et les fédérations de l’aide à domicile. La CNSA, de manière plus spécifique, anime le réseau des responsables Autonomie des Départements et les directeurs de MDPH en y associant l’ANDASS et l’ADMDPH.

Toutes ces réunions, qu’elles soient animées par la DGCS ou la CNSA, ont les mêmes objectifs : faire un point de la situation car nous avons besoin de comprendre ce qui se passe sur le terrain ; échanger sur les doctrines pour les partager ; mais aussi voir les assouplissements nécessaires à la gestion de la crise, travail que nous avons fait avec la DGCS notamment dans le cadre des ordonnances votées par le Parlement.

Comprendre ce qui se passe, identifier les difficultés et partager les consignes gouvernementales et leur nécessaire évolution au jour le jour : voilà ce qui nous occupe au quotidien. J’ajoute que nous avons aussi en charge la question du handicap. De ce côté, avec Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat, nous faisons un point hebdomadaire avec les acteurs du secteur.

Stéphane Corbin, directeur adjoint de la CNSA © Patrick Dagonnot

Stéphane Corbin : Nos retours sont essentiellement « quali » et sont constitués des remontées de terrain. On constate d’ailleurs de la part de nos interlocuteurs, départements ou professionnels, un vrai besoin de parler et d’échanger. A la fois sur les bonnes pratiques mais aussi sur le calage des doctrines avec les Conseils Départementaux. Les Infos Réseaux que nous adressons aux Conseils Départementaux sont beaucoup lus et plusieurs dizaines de Départements participent à nos points hebdomadaires.

Et puis il y a des endroits où la relation entre l’ARS et les conseils départementaux est très organisée. Je pense notamment à la région Pays de la Loire ou aux Hauts-de-France où se tiennent des réunions très régulières entre l’ARS et les CD. Nos points sont aussi l’occasion de diffuser les bonnes pratiques.

Le MMR : la CNSA a une importante fonction de gestion des crédits budgétaires dédiés aux Ehpad. Comment allez-vous gérer cet aspect ?

V.M. : Les crédits que nous répartissons, ce sont les crédits du PLFSS et des ressources propres de la CNSA. Nous ne voulons pas retarder la campagne budgétaire médico-sociale mais en même temps nous devons tenir compte de la période car nous comprenons bien que les directeurs ont autre chose à faire en ce moment.

En même temps, il y avait beaucoup de mesures nouvelles dans le PLFSS pour 2020 et il serait dommage de retarder trop longtemps l’apport de ces mesures nouvelles et leur affectation par les ARS aux établissements. Mais nous regardons aussi les dépenses qui sont liées spécifiquement à la gestion de l’épidémie. On ne veut pas ennuyer les directeurs en ce moment mais on ne veut pas retarder trop longtemps le versement des recettes qu’on leur doit.

D’ailleurs, le Conseil de la CNSA se réunit le 23 avril pour adopter le budget de la CNSA même s’il ne fait pas de doute qu’il nous faudra adopter un budget modificatif en sortie de crise. Ne serait-ce que parce que la CNSA a des ressources propres telles que la CSA, la CASA ou la CSG qui seront forcément affectées par la crise.

Le MMR : Les Ehpad vont également être demandeurs de soutien humain supplémentaire dans les semaines à venir.

V.M. : On est en effet convaincu que la crise est très consommatrice de ressources humaines et que cela devient un point de fragilité pour les Ehpad. Cette tension est due tout à la fois à l’absence des professionnels qui sont atteints par le virus, aux besoins supplémentaires générés par le confinement et le sur-confinement en chambre, à l’organisation de « quartiers Covid + », au traitement de l’hygiène particulièrement important en ce moment ou encore au maintien du lien avec les familles. Tout cela crée d’énormes besoins.

En plus, ne nous cachons pas que certains Ehpad sont à ce point sous l’eau qu’ils n’ont même plus le temps d’ouvrir leurs mails et a fortiori de lire nos consignes, nos Foires aux Questions ou nos conseils pour contacter la réserve sanitaire ou les dispositifs #Renforts Covid.

Il faut désormais que les ARS aillent au chevet des établissements pour les aider à recenser leurs besoins, pour s’y retrouver dans les différentes plateformes qui proposent de mettre en relation des ressources humaines ou bénévoles et pour sélectionner aussi les volontaires. Un responsable d’un Département nous a indiqué par exemple qu’il était parfois contre-productif de mettre un volontaire dans un Ehpad si lui-même et l’environnement n’y sont pas préparés. 

Paradoxalement, des Ehpad manquent tellement de bras aujourd’hui qu’ils n’ont même pas le temps de trouver les moyens d’aller chercher des renforts. C’est ce travail de facilitation et de mises en relation que s’efforcent aujourd’hui de réaliser les CD et les ARS. La réserve sanitaire est tout à fait mobilisable par les Ehpad. Elle a été au fond assez peu sollicitée par les hôpitaux qui ont pu faire appel à d’autres ressources. Or, elle compte 22 métiers dont des fonctions administratives qui peuvent être utiles aux Ehpad en ce moment. On observe d’ailleurs des mises à disposition d’agents des collectivités locales dans les établissements pour la restauration ou la logistique par exemple.

Le MMR : Commencez-vous déjà à penser à l’après ?

V.M. : A l’évidence, cette crise du Coronavirus met en lumière les forces et les faiblesses de ce secteur. Je tire aussi comme leçon que là où ça se passe bien c’est quand ARS, CD et fédérations travaillent bien ensemble. Et quand cette coopération est fluide, les données remontent beaucoup mieux. Mais il faudra aussi tirer les leçons des organisations innovantes qui auront été mises en place à la faveur de la crise.


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