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18 avril 2023

La réforme pour demain, les emmerdes pour maintenant

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L'édito du Mensuel des Maisons de Retraite 259

On savait qu’Emmanuel Macron se moquait de la question du grand âge. On le savait depuis que, subrepticement, en 2021, il a totalement laissé tomber une réforme que sa propre majorité lui réclamait et que le Premier Ministre avait caractérisé comme le « marqueur social du quinquennat ». On en a eu une éclatante confirmation lorsque l’élection de 2022 joua le rôle d’ardoise magique. Vainqueur, Macron s’est entre temps délesté de cette trop lourde promesse : la loi Grand Âge a disparu des radars.

On a vu même entendu en juin dernier la porte-parole du Gouvernement expliquer que la réforme des retraites était indispensable… pour « financer de grandes priorités dont la question de l’autonomie et de la dépendance ». Et maintenant que la réforme des retraites est passée, évidemment plus aucune nouvelle de la réforme de la dépendance…

Ou plutôt si. Aux frustrés colériques qui n’ont que le mot de « loi Grand Âge » à la bouche, le Ministre Jean-Christophe Combe a promis mieux, beaucoup mieux : une « réforme du grand âge » ! Sauf que la première brique de cette immense réforme a pris la forme d’une petite proposition de loi riquiqui. L’exploit, c’est d’avoir transformé le grand défi politique du vieillissement de la population en une loi indigne de cette ambition.

Évidemment on nous a sorti la théorie des petits pas. Quoi ? Comment s’insurger de la mise en œuvre d’une carte facilitant le stationnement des auxiliaires de vie, nous dit-on. Mais comment penser régler le tsunami démographique de 2030 avec une carte de stationnement, a-t-on envie de répondre ? Car au fond rien ne va dans cette PPL. Dénuée de souffle et de vision, elle enquille de surcroît des articles qui n’ont aucun sens (comme cette Conférence nationale de l’autonomie que personne à commencer par le Ministre lui-même n’a été capable d’expliquer ou de justifier ou l’affectation de 10% des bénéfices des groupes privés à l’amélioration du cadre de vie, mesure décrite comme un effort de « moralisation » d’un secteur à qui on fait payer les pots cassés de l’affaire Orpéa avec une démagogie sans bornes.

On pourra toujours se féliciter que le gouvernement ait introduit dans la PPL le Service Public Territorial de l’Autonomie ou la généralisation d’Icope. Mais on attendra plutôt le passage au Sénat pour voir comment renforcer cette loi. On attendra surtout désormais la « feuille de route » que le Ministre doit annoncer début juin. Bonne, l’espoir reviendra. Mauvaise, c’en sera fini de ce quinquennat.

Mais en attendant demain, il faut se coltiner le présent. Le présent, c’est un amendement du Gouvernement sommant à l’avenir les Ehpad de transmettre leur taux d’encadrement pour qu’ils figurent sur le site de la CNSA. Et cette injonction a évidemment pour objectif de pointer du doigt les Ehpad ayant un faible taux de personnel. Sauf qu’au même moment, la circulaire budgétaire pour 2023 fixe un taux de revalorisation des forfaits soins de … + 2,06% quand à peu près partout la masse salariale a augmenté d’au moins 6-7% et que l’inflation dépassera largement les 5%. Ainsi, en attendant des lendemains qui chantent, les directeurs d’Ehpad vont devoir en 2023 faire avec moins de personnel. La réforme c’est donc (peut-être) pour demain. Les emmerdes, en revanche, c’est ici et maintenant !


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