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15 juillet 2022

Le film du quinquennat : un bon casting, pas de scénario, un happy end ?

Que se passe-t-il sur le plateau de tournage d’un film lorsque le directeur de casting est bien meilleur que le scénariste ? Que dire d’une production où le héros a une gueule de jeune premier mais où le metteur en scène a juste oublié un détail : savoir raconter une histoire ? Avec de tels ingrédients, à la fin, on n’est jamais loin d’un nanard ou d’un film de série B.

Ici, à l’évidence, le casting est réussi.

Donner le premier rôle à un type qui jusqu’ici assumait la direction générale de la Croix-Rouge française, il fallait y penser ! Personne n’avait vu le coup venir. Pas même lui qui, le samedi matin, ne sait pas pourquoi Matignon veut le voir en urgence et se retrouve un lundi matin ministre de la République alors qu’il avait jusqu’ici l’habitude de négocier avec celles et ceux qui sont désormais ses prédécesseurs… Car Jean-Christophe Combe avait pour mission depuis maintenant 5 ans de conduire les destinées d’une organisation qui gère des Ehpad, des services d’aide ou de soins à domicile, des établissements de santé, qui a la responsabilité d’une convention collective et qui, parce qu’elle siège au sein de l’OPCO Santé, a eu également à traiter le sujet de la formation des personnels. Pour la première fois depuis longtemps, tout professionnel du secteur du grand âge pourra se dire que son nouveau ministre est (presque) l’un des siens. Une nomination d’autant mieux reçue qu’elle mettait fin à l’intermède Abad, soit six longues semaines où toutes les fédérations étaient tétanisées, ne sachant comment s’adresser à un ministre dont le seul nom sonnait comme un fait divers.

La réussite de beaucoup de films tient dans la qualité des seconds rôles. Et là aussi, on est servi. Aurélien Rousseau, ancien directeur général de l’ARS d’Ile de France et Etienne Champion, ancien directeur de l’ARS Hauts-de-France se retrouvent respectivement n°1 et 2 du Cabinet de la Première  Ministre. Constance Bensussan, une Inspectrice générale des affaires sociales, ancienne conseillère à l’Elysée, dirigera le Cabinet de Jean-Christophe Combe. Assurance donc d’avoir des interlocuteurs qui à défaut d’agir ou d’adhérer comprendront en tout cas de quoi on parle. Quant à l’ancien sénateur et président du Conseil Départemental du Nord Jean-René Lecerf, devenu président du conseil de la CNSA, discret pendant sa période de rodage, il compte bien en ce début de quinquennat jouer un rôle majeur pour continuer à imposer une loi Autonomie.

Car c’est là que le bât blesse : le film de ce quinquennat démarre sans scénario. Le Président durant sa campagne et la Première Ministre dans son discours de politique générale n’ont donné à la politique du grand âge aucune perspective de moyen et long terme, aucune colonne vertébrale structurante. On sent que ce quinquennat commence un peu comme ces séries françaises genre La vie nous appartient ou Plus belle la vie : le scénario est écrit au jour le jour et personne ne sait à l’avance ce qui se passera le lendemain.

Emmanuel Macron (hormis l’engagement, précis celui-là, de créer Ma Prime Adapt) a bâclé ses engagements de campagne sur les vieux. Entre une promesse floue (augmenter de deux heures par jour les aides à domicile) et une promesse inadéquate (embaucher 50.000 infirmières et aides-soignantes), la feuille de route du nouveau Ministre ressemble à une page blanche. Les acteurs, eux, continuent imperturbablement à croire en une loi Grand Âge faisant mine d’oublier que cette fois le Président de la République n’en a jamais pris l’engagement.

Car le fait est là : après que l’opinion se soit émue des victimes (âgées) du Covid, après que chacun ait surjoué l’indignation suite à la publication des Fossoyeurs, la question du grand âge est revenue à sa place habituelle : celle de l’indifférence polie.

Pourtant, la nouvelle configuration de l’Assemblée nationale offre paradoxalement une véritable opportunité. Le Gouvernement est-il en quête de sujets consensuels et de thématiques pouvant entraîner un accord de tous les bancs ? La cause du grand âge en est une. Alors Astrid Panosyan-Bouvet et Caroline Janvier (Renaissance), Jérôme Guedj et Caroline Fiat (Nupes), Stéphane Viry et Philippe Juvin (LR), prenez-vous par la main, et faites ce que les députés de la précédente législature n’ont jamais su faire : écrivez un projet de loi ambitieux, humaniste, prospectif, portez-le ensemble au Ministre Combe, bref, faites vivre sur un sujet sur lesquels vous êtes grosso modo tous d’accord cette république consensuelle que la situation commande.


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