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5 mars 2019

L’Ehpad de demain, c’est maintenant !

Le relayage comme nouvelle prestation de vos établissements

Votre établissement : nouvelle plate-forme de services ?
Les études prospectives sur notre secteur et vos discussions avec vos partenaires lors de la négociation du CPOM ne vous laissent pas sans savoir que l’avenir des Ehpad est LE sujet du moment : taille critique, orientation vers des publics de plus en plus dépendants, standardisation des bonnes pratiques… vous êtes maintenant familiarisés avec ces enjeux. Mais vous avez peut-être aussi compris l’attente de diversification des prestations et de rayonnement sur votre territoire comme établissement ressource, y compris vis-à-vis du maintien à domicile. Par exemple, dans vos fiches-objectifs CPOM, il est aujourd’hui impensable de ne pas vous inscrire dans une démarche de développement de la télémédecine. Mais vos partenaires raffolent aussi du fameux « Ehpad Hors Les Murs » ? (et dont, entre nous, personne ne sait exactement à quoi cela correspond !). Dès 2006, Philippe Bas nous vantait les mérites des plates-formes de services. 13 ans donc que l’on nous parle de l’Ehpad de demain… Et si, enfin, demain c’était maintenant ? Exemple avec un nouvel outil de rayonnement de ­l’Ehpad sur son territoire : le relayage.

Le relayage, c’est quoi ?
Le relayage, c’est comme « l’Ehpad hors les murs », tout le monde en parle mais personne ne sait ce que c’est ! Depuis plusieurs années, vous entendez peut-être parler de « baluchonnage », de « relayage » ou encore de « cousinage ». Ici, on utilisera le terme générique de Relayage, celui de « baluchonnage » étant réservé à l’association ayant imaginé ce concept au Québec dès 1999 et qui a, depuis, déposé la marque Baluchon d’Alzheimer®.

Le principe du relayage est simple : un professionnel rattaché à un établissement ou un service médico-social comme un Ehpad par exemple, intervient à temps plein sur une période donnée au domicile d’une personne en suppléance du proche aidant. Il s’agit d’offrir un véritable répit à l’aidant et donc de programmer la prestation sur un temps conséquent (au moins 36 heures). Attention, le relayeur ne se substitue pas aux services déjà mis en place à domicile pour accompagner la personne aidée, il effectue seulement les tâches que réalise habituellement l’aidant. Cette lecture offre une relative latitude quant aux qualifications attendues et de nouvelles opportunités pour les professionnels de vos établissements (répit professionnel, évolution de carrière).

Le relayage bénéficie aujourd’hui d’un cadre juridique avec l’article 53 de la loi du 10 août 2018 « pour un Etat au service d’une société de confiance ». Les établissements médico-sociaux sont autorisés à expérimenter pendant trois ans les prestations de relayage (ou « suppléance à domicile ») dispensées par des salariés volontaires.

Sur le papier, cela est donc simple et séduisant. Mais si vous n’aviez jamais entendu parler de ce dispositif jusqu’alors, c’est peut-être justement à cause des freins rencontrés à sa mise en œuvre…

Vers une possibilité de déroger au droit du travail ?
Simple donc ? Pas sûr, car si ce procédé est éprouvé depuis 20 ans outre-Atlantique, sa mise en place en France est sujette à questionnement. En effet, vous n’êtes pas sans savoir qu’en France, un « petit » livre rouge que l’on appelle le Code du Travail régit les relations entre salariés et employeurs et assure le respect des obligations quant à l’équilibre entre les temps de travail et de repos. Vous voyez venir le paradoxe ? Comment défendre un dispositif qui se veut innovant lorsque l’on sait que, par essence, il déroge aux règles du droit du travail ? Comment faire alors pour mobiliser du personnel 24 heures sur 24 en assurant la sécurité des aidés et des relayeurs ?

Pour répondre à cette problématique, un décret est venu compléter les dispositions de l’article 53 en permettant une dérogation au droit du travail « dans le cadre de la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant ». Mais ce décret s’accompagne d’un cahier des charges et d’un appel à candidature dans lesquels il était demandé aux établissements de s’inscrire pour bénéficier de la dérogation.

Concrètement, ce cahier des charges a établi la durée d’intervention maximale de chaque professionnel à 6 jours consécutifs. Le temps de repos est récupérable soit pendant soit après l’intervention. Dans tous les cas, il doit être égal au temps de repos dont le salarié relayeur n’a pu bénéficier au cours de son intervention. Attention, dans ce cahier des charges, il est précisé que chaque relayeur ne peut travailler que 94 jours par an. Cela ne dispense pas d’une vigilance aux risques professionnels engendrés par une telle activité ; risques renforcés par l’isolement qui peut être ressenti par le relayeur. En cela l’équipe d’un Ehpad peut offrir un lieu de ressource indispensable à ces intervenants.

Par Antoine FOURNIER– Consultant – Cabinet Advisoria – www.advisoria.fr

1. Décret n° 2018-1325 du 28 décembre 2018 relatif à l’expérimentation de dérogations au droit du travail dans le cadre de la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant et de séjours de répit aidants-aidés

Pour vous lancer, par quoi commencer ?
Nous l’avons dit, un appel à candidature national, assorti d’un cahier des charges expérimental (plutôt strict disons-le), est paru en début d’année à l’initiative de la Direction Générale de la Cohésion Sociale pour la création (à titre expérimental) de services de relayage. Si cette opportunité était ouverte à tous les établissements médico-sociaux et notamment les Ehpad, il fallait toutefois bénéficier d’une autorisation SAAD pour pouvoir prétendre à développer une prestation de relayage. Il est donc fort probable qu’aucun d’entre vous ne se soit senti concerné ! Et c’est bien dommage si justement nos financeurs souhaitent que les Ehpad s’emparent du sujet des plates-formes de services et du rayonnement vers le domicile. Nous ne sommes plus à une contradiction près !Mais il n’est pas trop tard pour vous lancer. Hors cet appel à candidature national, certaines ARS restent à l’écoute des porteurs de projet pour développer cette nouvelle prestation, de manière peut-être plus souple que dans ce cahier des charges expérimental ! Cela s’est déjà vérifié dans certains appels à candidatures émis ces dernières semaines et cette fois ouverts à tous, Ehpad compris (sans obligation de disposer d’une autorisation SAAD). Il est donc encore temps de proposer votre propre modèle et de promouvoir le rôle, la compétence et l’expérience des Ehpad pour développer cette nouvelle forme d’accompagnement. En France, il existe quelques retours d’expériences dont vous pouvez vous inspirer et relatés pour certains dans le rapport Huillier paru en 2017.La négociation de votre CPOM reste la meilleure occasion pour promouvoir les innovations et susciter l’intérêt de vos partenaires… même les plus frileux. Parlez-en !

Cet article est paru dans le Mensuel des Maisons de Retraite n°218


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