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5 mars 2021

Merci Paulette !

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C’est avec une insondable tristesse que j’apprends, que nous avons tous appris, ce matin le décès de Paulette Guichard-Kunstler, ancienne Secrétaire d’Etat aux personnes âgées.

Il est peu de dire que cette franc-comtoise aura marqué de son empreinte le secteur des personnes âgées. Elle en fût l’âme. Elle en fut le symbole. Elle en fut la ministre la plus exigeante.

Toi, jeune lectrice ou lecteur, toi directeur d’Ehpad depuis quelques années seulement, toi, jeune fonctionnaire dans un Département ou une ARS, vous, députés ou ministres qui lui succédèrent, vous tous qui oeuvrez au quotidien en faveur des personnes âgées, souvenez-vous de ce nous devons à cette femme.

APA, CLIC, Ehpad, loi 2002-02 : tant de réformes en un an

En à peine un an passée au poste de Secrétaire d’Etat aux personnes âgées entre 2001 et 2002, Paulette Guinchard-Kunstler aura mis en œuvre l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie, réforme la plus conséquente que le secteur n’ait jamais connu. Avant elle, 120.000 français percevaient la « petite PSD ». Après elle, l’APA est aujourd’hui touchée par 1,3 millions de personnes.

La « une » du Mensuel en 2001 qui salue la nomination de PGK au Ministère

Paulette Guinchard-Kunstler sera celle qui fin avril 2001 arbitrera définitivement en faveur de la réforme de la tarification et du lancement des conventions tripartites. J’eus la chance alors avec Erick Lajarge à la FHF ou avec Pascal Champvert à l’ADEHPA d’être au cœur des tous derniers arbitrages entre les pro et anti-réformes. Quand PGK eut le courage de signer le décret du 5 mai 2001, elle mit définitivement sur les rails la réforme qui allait bouleverser, révolutionner les maisons de retraite devenus Ehpad.

Elle sera aussi celle qui participa à la refonte de la loi sociale et médico-sociale. La loi dite 2002-02, celle qui régit encore notre secteur, c’est en grande partie elle aussi. Avec au Parlement le soutien de Pascal Terrasse qui en fut le rapporteur.

Elle sera celle aussi qui lancera le 1er Plan Alzheimer dans notre pays.

Elle sera également la créatrice des CLIC, ces Centres Locaux d’Information et de Coordination, qui dans nombre de départements ont joué ensuite un rôle structurant majeur.

L’APA, la réforme de la tarification, la loi 2002-02, les Clic, le plan Alzheimer : tout ça en un an passé avenue de Ségur. Aucun autre ministre des personnes âgées depuis 1981 ne peut se targuer d’un tel bilan.

Une belle âme

Mais, elle, modeste, humaine, bien loin du « tout à l’ego » qui a envahi nos façons de communiquer, est demeurée tout sa vie cette militante désintéressée. Militante de l’âge, PGK était aussi une militante politique, symbole de cette « deuxième gauche » elle qui était passée par la Jeunesse Agricole Catholique, par le PSU de Michel Rocard, évidemment par la CFDT puis par le Parti Socialiste qui la fera élire députée en 1997.

La remise de son rapport en 1999 au Premier Ministre Lionel Jospin

C’est là – si vous me permettez ce souvenir personnel – que je l’ai connue. Alors délégué général de l’Uneppa, l’ancêtre du Synerpa, mais aussi responsable du PS aux personnes âgées, cette infirmière en psychiatrie qui n’était pas rompu aux miasmes de la technocratie m’avait demandé de l’initier à la compréhension de la tarification et de la réglementation médico-sociale. Nous l’avions fait de bon cœur avec des personnes comme Pascal Terrasse, Pascal Champvert, Erick Lajarge, David Causse, Richard Tourisseau et d’autres encore. Elle prit cette mission tellement à cœur qu’elle rédigea un rapport qu’elle remis en 1999 à Lionel Jospin alors Premier Ministre. Et ce sont les préconisations de ce rapport qu’elle mis largement en œuvre deux ans plus tard lorsqu’elle fut nommée Ministre.

Les uns et les autres se rappelleront ces dîners au Ministère où elle invitait ses hôtes à déguster la Cancoillotte, ce fromage de Franche-Comté, une région qu’elle aimait et dont elle avait toujours conservé l’accent si typique.

Une amie du Mensuel

En 1999, pour le 2ème anniversaire du Mensuel, entourée par Pascal Champvert et Luc Broussy

Mais elle fut aussi une grande amie du Mensuel des Maisons de Retraite qu’elle lisait avec soin et dont elle fut, de fait, une héroïne permanente. Il y a quelques années, plus de 10 ans après son départ du Ministère, le Mensuel fit un grand sondage auprès de ses lecteurs pour savoir qui, selon eux, avaient le plus marqué l’histoire du secteur. Paulette Guinchard arriva bien évidemment loin, très loin, très très loin devant tout le monde.

On la reverra ensuite à la tête de la Fondation nationale de Gérontologie puis surtout à la présidence de la CNSA.

Malade depuis de nombreuses années, sa dernière décision fut une fois de plus l’acte d’une femme courageuse, l’acte de la femme libre qu’elle était. Elle a choisi le suicide assisté en Suisse. Même le dernier acte de sa vie aura été un acte militant et humaniste.

Les hommages qui pleuvent de partout, de tous les camps politiques depuis ce matin sont l’ultime preuve – mais qui en doutait ? – de la profonde empreinte qu’elle aura laissée et du profond respect que cette femme unique aura suscité.

Alors, toi, jeune padawan, n’oublies jamais Paulette : car sans elle le monde dans lequel tu évolues aujourd’hui serait moins beau, moins généreux.

Luc BROUSSY
Directeur de la publication


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