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9 décembre 2019

Pas à pas, les IPAG sortent du bois

Si le décret de 2018 officialise la pratique avancée, les domaines de la gériatrie et de la gérontologie ont été étrangement oubliés. Pourtant depuis 2009, deux universités à Paris et Marseille, permettaient à des infirmières de se former à la pratique avancée en gérontologie (IPAG). Un métier nouveau de plus en plus plébiscité dans le secteur des Ehpad…

« La possibilité d’exercer en tant qu’infirmière en pratique avancée en gérontologie (IPAG) en établissement ou à domicile devrait être effective dès 2021 », telle est l’une des préconisations du dernier rapport de Myriam El Khomri remis à Agnès Buzyn, le 29 octobre dernier. Une proposition qu’avait déjà formulée le Rapport Libault en mars et désormais portée par la Société française de gériatrie et de Gérontologie (SFGG). Pourtant, à l’heure actuelle, ces fameuses IPAG n’ont pas d’existence officielle. Le dernier décret de 2018 qui consacre la reconnaissance de la pratique avancée ne fait pas état de la gériatrie ou de la gérontologie. Aussi paradoxale que cela puisse paraître et en dépit de ce vide juridique, plusieurs Master de préfiguration sanctionnés par un diplôme d’Etat existent depuis 2010 à Marseille et à Paris, pour former ces fameuses IPAG. 26 d’entre elles exercent déjà, parfois en libéral, mais très majoritairement à l’hôpital. C’est le cas par exemple de Christine Lenouvel, actuellement salariée par le CH de Saint-Brieuc en Côtes-d’Armor. « A l’origine j’étais infirmière en Ehpad, puis Idec. J’ai intégré ensuite une équipe mobile de gériatrie mais j’ai voulu aller plus loin en renforçant mon expertise et en légitimant mes positions prise en autonomie dans le quotidien. Durant deux ans, j’ai suivi le Master de Marseille, ce qui m’a permis d’acquérir de nombreuses compétences en matière de processus de soins dans les situations gériatriques complexes, de neuro-psychiatrie et troubles psychiques de la personne âgée, de soins palliatifs, de gestion de la douleur et d’usage des médicaments inappropriés pour le sujet âgé. Tout ceci a été renforcé par la maitrise de l’évaluation gériatrique standardisée et de la connaissance des acteurs de la filière gériatrique… »

Pas une réponse à la pénurie des médecins

Depuis le mois de juillet, Christine Lenouvel exerce officiellement en tant qu’IPAG au sein de l’équipe mobile de gériatrie du CH de Saint-Brieuc. « Je travaille notamment avec le service des urgences pour faire en sorte que les personnels sur place comprennent mieux les problématiques spécifiques des personnes âgées. Mon rôle consiste aussi à évaluer les besoins de la personne âgée accueillie aux urgences afin que celle-ci bénéficie d’un parcours de soins coordonné et proportionné à son état de santé en faisant l’objet d’une prise en charge spécifique. J’interviens également en aval sur les sorties d’hospitalisation afin que celle-ci se passe dans les meilleures conditions ». L’IPAG tient à préciser que ses missions ne consistent pas à pallier la pénurie de médecins, notamment de gériatres, mais bien de faire en sorte que ces derniers soient déchargés de leurs missions les plus chronophages, comme la recherche des antécédents et comorbidités de la personne ou encore la réalisation des tests de dépistage cognitifs, thymiques, nutritionnels ou locomoteurs par exemple. « Il ne s’agit pas de remplacer le médecin gériatre qui reste mon référent et qui prendra les décisions médicales les plus importantes, mais bien de procéder à toutes les évaluations nécessaires en amont, afin que sa décision soit la plus éclairée et la plus rapide possible. »

Faciliter l’interface avec le médecin traitant

Pour Loriane Saliege, IPAG en clinique privée à Nîmes, cela ne fait aucun doute : l’intervention des IPAG en Ehpad pourrait apporter de nombreuses plus-values. « Les Ipag pourraient réaliser les évaluations gériatriques à l’entrée des résidents et favoriser la compréhension des pathologies du résident, en identifiant les thérapeutiques potentiellement inappropriées, mais également ses besoins sur le plan médical et sur la réversibilité possible de la perte d’autonomie présente à l’entrée ou des troubles cognitifs, tout en assurant un suivi de la personne tout au long de son séjour. Grâce au droit de prescription inscrit dans le décret de compétences, l’IPAG, qui aura signé un protocole d’organisation avec les médecins traitants, pourra ajuster les thérapeutiques ou prescrire un bilan sanguin ou radiologique. Elle peut également faciliter l’interface avec le médecin traitant, mais aussi avec l’hôpital. » En raison de ces nombreuses compétences sur la plan gériatrique, l’IPAG pourrait également favoriser la diffusion de la culture gérontologique auprès des équipes et la montée en compétences du personnel dans ce domaine, en proposant d’organiser des formations notamment sous forme d’analyse des pratiques, mais aussi en rassurant les professionnels sur le plan médical lorsque, ni le médecin coordonnateur, ni le médecin traitant, ne sont présents. Dans le domaine de la télémédecine également, les IPAG devraient jouer un rôle prépondérant en assumant cette mission, forte de l’expertise clinique acquise durant la formation au diplôme d’état IPA, ce qui éviterait de mobiliser un personnel de l’établissement. « La présence de l’IPAG en Ehpad peut permettre aux Idec de bénéficier de plus de temps pour manager les équipes et se concentrer sur l’organisation, un temps qui leur manque aujourd’hui cruellement. De la même manière, les médecins coordonnateurs seraient plus disponibles pour travailler sur la qualité et sur la gestion des cas les plus complexes. L’IPAG se positionnera comme une collaboratrice complémentaire de l’Idec, du médecin coordonnateur et du médecin traitant, pouvant être force de proposition. » Une vision que partage Pascal Lambert, IPAG également formé à Marseille mais intervenant en libéral en région parisienne. « Il paraît fortement probable que dans les années à venir, des établissements recrutent ensemble une IPAG mutualisée. Dans ces conditions, l’IPAG ne serait présente que pour assurer le suivi médical des résidents et intervenir à la demande, tandis que l’Idec et le médecin coordonnateur seraient en contact quotidien avec la personne âgée ». Une formule que souhaitent de plus en plus d’acteurs du secteur, mais dont la concrétisation dépend sans doute de la publication du décret officialisant l’existence des infirmières de pratiques avancées en gérontologie…


L’arrivée des IPAG, une bonne nouvelle pour les Idec

L’éventuelle arrivée des IPAG dans les Ehpad a-t-elle des raisons d’inquiéter les Idec ? Pas le moins du monde, comme le confirme Blandine Delfosse, présidente de la FFIDEC. « Les IPAG peuvent apporter une vraie plus-value et une sécurité dans ce contexte de désertification médicale. Si nous optons pour une mutualisation du poste elle représentera le partenaire idéal dans le cadre de l’ouverture des Ehpad sur leur territoire.  Elle sera un interlocuteur privilégié et une personne ressource pour nos IDEC et nos équipes pour les activités de prévention ou de dépistage, les actes d’évaluation, de surveillance clinique, de prescriptions d’examens complémentaires et bien entendu de renouvellements ou d’adaptation de prescriptions médicales. Leur présence peut permettre aux équipes de monter en compétences et d’être rassurées sur le plan médical dans certaines situations, évitant ainsi les transferts aux urgences et les hospitalisations inutiles… bref leur intégration potentielle aux Ehpad est sans aucun doute une très bonne nouvelle. »

 


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