Quand « Top Chef » s’invite en Ehpad

Depuis quelques années, les concours culinaires en Ehpad se multiplient avec un double objectif : sensibiliser les résidents et leur entourage au plaisir de s’alimenter et faire découvrir aux chefs un métier encore méconnu. Certaines des initiatives dépassent même le cadre de l’Ehpad, à l’image de Silver Fourchette, co-organisée par le groupe SOS.

Les experts nutritionnels vous le diront, la notion de bien vieillir est indissociable de celle du bien manger, cette dernière reposant sur des ressorts autant psychologiques que physiologiques. Or, allier contraintes nutritionnelles des seniors et plaisir de s’alimenter n’est pas toujours chose aisée. Ce défi, certains groupes gestionnaires d’Ehpad ont décidé de le relever de façon ludique via l’organisation de concours culinaires. Ces « Top Chef » des Ehpad mettent en compétition les chefs cuisiniers œuvrant dans les établissements des groupes. Les chefs sont assistés par des commis, qu’ils soient jeunes apprentis, membres de la direction ou du personnel soignant. Au menu : renforcement de l’esprit d’équipe, ouverture des Ehpad au monde de la gastronomie et réflexion autour du temps de repas des résidents.

Mais rendons à César ce qui appartient à César. C’est Le Noble Âge qui, en 2007, lance les hostilités avec l’organisation de son Trophée Culinaire. Au sein de chacun des 48 Ehpad du groupe se forme un binôme constitué du chef et d’un professionnel de l’établissement, chargé de réaliser un plat avec des ingrédients définis ainsi qu’un dessert imposé. Sur la base de l’étude d’un dossier faisant suite au test des plats dans les Ehpad où ils ont été confectionnés, six binômes sont sélectionnés par un jury dans le but de participer à la finale. Celle de la dixième édition a lieu le 29 novembre.

Un beau succès qui a contribué à en appeler d’autres, utilisant peu ou prou la formule du Trophée Culinaire. Ainsi, Emera organise cette année la deuxième édition du Challenge des Chefs, dont la finale s’est déroulée le 15 novembre à la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Angers. Cette date correspond également à la finale du concours Maison Gourmande, dont le groupe associatif Adef Résidences est partenaire à travers sa filiale de restauration Restonis. Un jour plus tard, c’était au tour du jury d’Orpéa de désigner le vainqueur de son 9^ème concours.

Si ces concours ont d’abord vocation à sensibiliser sur le métier de cuisinier en Ehpad, certains ont fait évoluer leur format en élargissant leur périmètre d’action. C’est le cas de l’initiative Silver Fourchette, concours organisé par le groupe SOS Seniors et la Fehap devenu programme national autour de l’alimentation des seniors. Tout part en 2014 d’une édition pilote se cantonnant aux Ehpad du groupe de Jean-Marc Borello. Fort du succès de la saison 1, le concours s’ouvre par la suite à l’ensemble des établissements privés non lucratifs, soit 150 Ehpad appartenant à 25 groupes différents. Cette année, Silver Fourchette s’adresse aux résidences autonomie, aux résidences services, aux Marpa et au domicile. Pour David Giffard, directeur des projets groupe chez SOS, « l’idée est de s’adresser à toute personne de plus de 60 ans qui cuisine. Nos Ehpad sont devenus des camps de base à partir desquels sont développés des bouquets d’actions qui vont rayonner sur l’ensemble du territoire ». Une certaine idée de la « Borello’s touch » et de sa volonté de faire de l’Ehpad une plateforme de services.

Des services qui s’insèrent ici dans le cadre de la Conférence des financeurs. En effet, 15 départements volontaires vont développer pendant 6 mois 9 types d’actions. Parmi celles-ci, le concours évidemment mais aussi l’organisation de conférences et d’ateliers donnant la possibilité aux personnes âgées de (re)pratiquer le noble art de la cuisine. À cet égard, David Giffard souligne l’impact positif de Silver Fourchette sur le rapport des résidents à la nourriture : « des comités de cuisine ont été montés avec l’objectif d’impliquer les résidents qui aident à préparer les menus de la semaine suivante. Cette activité permet de faire travailler la réminiscence des personnes âgées. C’est notamment le cas des résidentes, qui ont pour la plupart beaucoup cuisiner dans leur vie. Elles retrouvent ainsi une utilité sociale dans le fonctionnement de l’établissement ». Réinventer les pratiques et donner envie tout en restant ludique, ne serait-ce pas tout simplement le sens de la gastronomie ? Chers Seniors, à vos fourneaux !

Bastien Terrade