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Une séance de gym au balcon - © Domitys

6 mai 2020

Résidences autonomie et résidences services face au Covid-19

Face à la crise sanitaire, le vieux (et faux ?) débat entre résidences autonomie et résidences services seniors semble bien lointain. Aujourd’hui, elles font, comme tout le secteur, face au même ennemi et relèvent même certains défis qui leur sont propres. Zoom sur la bataille menée depuis deux mois au sein de ces résidences.

Tout comme les Ehpad, les résidences autonomie et les résidences services seniors n’ont pas attendu les consignes nationales pour mesurer l’ampleur du danger qui planait sur leurs résidents âgés. Et comme les Ehpad, pour protéger leurs locataires, ces résidences font preuve depuis plus de deux mois d’une réactivité, d’une responsabilité et d’une inventivité sans limite, pouvant compter sur l’investissement de leurs équipes et la confiance manifeste des familles.

Face à l’ennemi, des mesures similaires aux Ehpad

La première arme face à ce virus qui s’attaque massivement aux plus de 85 ans est bien évidemment la prévention. A l’image des Ehpad, les résidences autonomie et les résidences services n’ont, depuis le début de la crise, qu’une obsession : ne pas laisser entrer le virus. Ainsi, dès la fin du mois de février, une majorité de ces résidences ont pris les choses en main : limitation des visites, organisation d’activités avec des groupes restreints et, dès début mars pour certaines, fermeture des restaurants. Elles ont donc elles aussi pris la route du confinement avant tous les autres Français, … quitte à en faire trop. Richard Claverie, PDG du groupe de RSS Montana et administrateur au SYNERPA assume pleinement cette stratégie : « Je préfère qu’on me reproche de trop en faire que pas assez. Pour le moment, cette stratégie porte ses fruits, même si on reste humble face au virus ».

Mais au-delà du confinement « général », tous n’ont pas appliqué la même -stratégie de suivi individuel des résidents. Certains, comme Domitys, ont rapidement mis en place des passages quotidiens pour prendre la température des locataires, répondre à leurs questions et les rassurer si besoin. D’autres ont préféré éviter ce type de rondes, qui, comme le suggère Elsa Proteau, directrice des résidences autonomie Arpavie d’Ermont et de Franconville (Val d’Oise), « sont susceptibles d’accroitre l’anxiété des résidents, déjà suffisamment stressés durant cette période ». Et d’ailleurs, aucun protocole ne l’impose dans ces résidences non médicalisées. En revanche, pour un résident présentant des symptômes ou de retour d’hospitalisation, tous appliquent la même règle : le confinement strict en appartement.

Et dans cette bataille, les résidences services et résidences seniors ont vécu (et vivent encore) les mêmes épreuves que les Ehpad, notamment dans la chasse aux masques : rupture de stocks, réquisitions inexpliquées, messages contradictoires de la part du gouvernement… Benjamin Misery, directeur général du groupe de RSS Les Senioriales raconte : « Les résidences services ne font partie d’aucun protocole, la recherche de masques s’est donc transformée en véritable lutte ». Mais le groupe connu pour la témérité de ses résidentes (on se souvient des « Mamies Foot », la première équipe féminine de football senior constituée en 2019 au sein des Senioriales) a rapidement pu compter sur un « gang des couturières », qui produit chaque semaine 200 masques, distribués aux locataires et écoles locales.

Autre public, autres défis

L’ennemi est le même qu’en Ehpad mais la population à défendre est différente… et les batailles à mener s’en retrouvent troublées. Au début de la crise, Elsa Proteau a d’ailleurs eu très peur que la bataille soit perdue d’avance en résidence autonomie : « En voyant ce qu’il se passait en Ehpad où la population est très dépendante et donc les déplacements plutôt maitrisables, je me suis dit que cela allait être dramatique avec le public autonome que nous accueillons. Il a fallu user de beaucoup de pédagogie car les résidents se sont sentis stigmatisés quand on leur a recommandé de rester chez eux. Je me suis beaucoup appuyée sur le plan sanitaire et j’ai fait appel à leur responsabilité et à celles de leurs proches pour qu’ils restent dans leur logement ».

Les locataires de résidences autonomie et résidences services sont en pleine possession de leurs moyens, ils ont fait le choix de vivre dans ces résidences et sont donc plus difficiles à confiner que des résidents d’Ehpad, dont les déplacements sont déjà limités, comme en témoignent certains gestionnaires. Benjamin Misery confie : « certains sortent tous les jours avec leur attestation. Sous prétexte qu’ils ont connu la guerre et d’autres virus, ils disent ne pas avoir peur de celui-ci ». Benoit Calmels, délégué général de l’UNCCAS, rapporte quant à lui les propos de maires gestionnaires de résidences autonomie : « Certains ont l’impression de devoir gérer le confinement avec des adolescents, des apéros clandestins sont organisés dans les locaux ».

Impossible d’enfermer les plus réfractaires, pour des raisons éthiques évidentes mais également législatives. Certes, dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire, les gestionnaires peuvent interdire les sorties car, en cas de drame, ce sont bien eux (l’opérateur privé ou le Maire) qui devront prouver que tout a été mis en œuvre pour prévenir l’épidémie au sein de l’établissement. Malgré cela, la mise en application demeure délicate, autant qu’elle peut l’être avec les millions de Français confinés dans leur logement depuis 7 semaines. Comment imposer un confinement strict à un public autonome, qui vit « chez lui » ? Pour Richard Claverie, « on y arrive à force de pédagogie et de persuasion, sans rien imposer, mais en faisant appel à la responsabilité des résidents. En revanche, sur la durée, on ne les tiendra pas ».

Réduction des équipes déjà restreintes

Comme en Ehpad, la question des ressources humaines est centrale. Mais dans les résidences autonomie et les résidences services, elle l’est d’autant plus que l’équipe de base est souvent très réduite. Dans les 2 résidences autonomie de 74 places dirigées par Elsa Proteau, « nous fonctionnons en temps normal avec 3 ou 4 professionnels : 2 agents de service / auxiliaires de vie sur chaque résidence et 1 secrétaire et 1 animatrice mutualisées. Le 16 mars, nous avions 3 absents… donc nos effectifs étaient réduits de moitié ».

Pour faire face à la crise et à ces équipes réduites par endroit, les professionnels redoublent d’efforts, ils sont inventifs et investis dans leur mission comme le sont ceux qui interviennent en Ehpad ou au domicile des personnes âgées. Mais pour combien de temps ? Pour Frédéric Walther, directeur général du groupe de RSS Domitys, « l’absentéisme a été maitrisé mais sur la durée, le véritable risque est l’épuisement des équipes ».

Benoit Calmels fait le même constat au sein des résidences autonomie gérées par les CCAS, où l’absentéisme s’explique principalement par les difficultés de garde d’enfants. Au sein de ces structures, toutefois, les mairies ont pu faire appel à d’autres services pour intervenir. « Certains fonctionnaires de services fermés viennent donner de leur temps pour le portage de repas, le filtrage des entrées – sorties ou même pour donner des concerts. On a découvert des talents comme ça et surtout certains agents ont pu découvrir ce qu’est une résidences autonomie ».

Se réinventer

Ainsi, les habitants des résidences autonomie et résidences services seniors ont, eux-aussi, accepté peu à peu les règles du confinement au sein de leur résidence puis au sein de leur logement, se privant ainsi de la raison même pour laquelle ils avaient décidé de s’installer en résidence : maintenir le lien social. Privés de sorties et de visites, ces personnes peuvent donc elles aussi être potentiellement sujettes au glissement psychologique.

Rapidement, les gestionnaires ont ainsi dû, à l’image des Ehpad, se réinventer et redoubler d’efforts pour offrir à leurs résidents une vie sociale et des activités utiles au maintien de leur autonomie. Pour Frédéric Walther, cette dimension est d’autant plus essentielle et complexe qu’en résidences services, les profils des résidents sont très divers : « Nous portons évidemment une attention et un suivi tout particuliers aux personnes plus fragiles. Mais pour nous, le risque de glissement est surtout majeur pour ceux qui d’habitude sont très sociables. C’est pour ceux-là que nous avons redoublé d’efforts pour proposer rapidement des solutions ». Concerts au balcon, gym douce dans le jardin, loto couloir, mise à disposition de chariots « qui veut quoi ? », gazette quotidienne pour certains, hebdomadaires pour d’autres… Autant d’idées que d’animateurs certainement.

Et au sein de cette bataille pour maintenir le lien social, les nouvelles technologies sont évidemment une arme utile. Mais si la grande majorité des résidences services seniors est déjà largement dotée de tablettes qu’elles ont pu mettre à disposition des résidents qui n’en ont pas, ce n’est pas le cas dans les résidences autonomies, publiques notamment. Benoit Calmels salue ainsi l’initiative du Crédit Agricole, portée principalement par la Fondation Crédit Agricole Solidarité et Développement et qui vise à permettre aux établissements de financer des équipements numériques, en particulier des tablettes numériques et bornes Wifi, afin de renforcer les liens entre leurs résidents et leurs proches dans le cadre de la crise actuelle. Ce projet est une opportunité pour les résidences autonomie publiques, dont le taux d’équipement numérique est très faible, d’autres investissements ayant généralement été prioritaires. Ici, la crise du covid aura donc accéléré un mouvement nécessaire depuis longtemps.

Au-delà de la multiplication des initiatives pour échanger sans s’échanger les microbes, les résidences ont dû, à l’image des Ehpad, flexibiliser ici ou là certaines règles : réouverture des salles de gym avec restriction, mise en place d’animation en petits groupes… et comme en Ehpad, réouverture progressive des visites des familles, avec prudence. Cette réouverture a « fait du bien au moral », selon les opérateurs. Mais, comme au sein des Ehpad, certains regrettent que cela se soit fait sans préparation. Beaucoup de résidences autonomie notamment « ont dû le lundi 20 avril décevoir de nombreuses familles qui avaient entendu le Ministre annoncer la réouverture des visites. Il a donc fallu à nouveau gérer les familles et utiliser à nouveau du personnel supplémentaire pour rapidement mettre ces visites en places », souligne Benoit Calmels.

Et demain ?

Tout comme les Ehpad, les résidences autonomie et résidences services savent que la vie d’avant ne reprendra pas du jour au lendemain. Restauration collective, animations groupées, visites libres attendront encore quelques mois, peut-être plus… jusqu’à la sortie d’un vaccin. L’ensemble des opérateurs qui ont témoigné ici ont d’ores et déjà préparé les résidents et les familles en ce sens. « Le 11 mai n’est pas une date importante pour les résidences Montana, c’est plutôt l’après sur la durée qui compte, explique Richard Claverie. « Et le dépistage devra faire partie de la stratégie. Mais, comme pour l’ensemble des citoyens, beaucoup de questions à ce sujet demeurent sans réponse. » Et « on pilote à vue », souligne le PDG du groupe Montana.

Pour Elsa Proteau, un assouplissement sera néanmoins indispensable. « Cela fait 6 semaines que nous privons par exemple nos résidents de leur activité préférée : les courses. On ne pourra pas les retenir après le 11 mai… même si ce sera encore plus dangereux qu’aujourd’hui d’aller au supermarché. Le déconfinement va nous mettre dans le même état de stress que le confinement. On va faire face à des cas que nous avions réussi à éviter jusque-là ».

Car oui, à ce jour, on ne relève pas de résidences autonomie ou résidences services seniors dévastées par le covid-19. Comment l’expliquer ? Les personnes y seraient-elles moins fragiles qu’en Ehpad tout en étant moins livrées à elle-même qu’à domicile ? On dressera le bilan quand la crise sera derrière nous mais pour l’heure, l’absence de drame dans ces résidences a notamment permis de les tenir à l’écart de la vague injuste de bashing qui frappe une nouvelle fois les Ehpad.

Tous les opérateurs sont unanimes : les résidences jouissent d’une image positive dans ce contexte. Une image portée par les familles et par la presse… au point même que certaines personnes se renseignent sur les résidences. Benjamin Misery l’illustre : « Dans le cadre du guichet unique que nous avons mis en place pour le covid, nous avons été contactés par 1000 personnes. Parmi elles, 200 avaient la motivation suivante : mon ainé est isolé et je ne veux plus qu’il revive un tel épisode seul ou alors nous envisagions de le mettre en Ehpad mais à présent, la ­résidence seniors nous semble plus adaptée ». Même constat du côté des résidences autonomie Arpavie qui sont recontactées par des prospects intéressés avant la crise. Ainsi, même si les taux d’occupation subiront nécessairement une érosion dans les mois à venir, puisque l’admission de nouvelles personnes demeure compliquée à mettre en œuvre aujourd’hui, l’avenir semble plus clair pour ces résidences, dont le modèle est plus que jamais plébiscité.

Ce modèle est par ailleurs validé par le contexte actuel, qui impose à ces acteurs « intermédiaires » d’affirmer et affiner leur positionnement d’acteur local de prévention. Domitys a ainsi récemment lancé son initiative “Solidarité dans le contexte COVID-19”. En concertation avec la mission Guedj, le groupe de RSS a décidé de mettre temporairement à disposition 200 logements meublés, équipés et disponibles pour des personnes âgées autonomes mais en situation de détresse, pour un montant très accessible. Une initiative en réponse au premier rapport remis par Jérôme Guedj au Ministre de la santé le 6 avril, qui appelait à « inventer des réponses exceptionnelles » permettant « la mise à l’abri dans un habitat regroupé des plus fragiles ». Un dispositif exceptionnel, comme on en voit fleurir beaucoup au sein du secteur du Grand Âge, plus que jamais solidaire contre cet ennemi commun.

par Anna Kuhn Lafont


Les résidences services dans un angle mort ?

Pour Richard Claverie, par ailleurs administrateur au SYNERPA RSS, « cette crise met d’autant plus en avant la situation « intermédiaire » des résidences services et les difficultés que cela peut engendrer. Nous ne sommes ni domicile classique, ni Ehpad. Nous ne relevons pas du secteur médico-social mais nous sommes contraints de garantir la sécurité. Les RSS se retrouvent ainsi dans une sorte d’angle mort, un secteur flou, auquel aucune directive ou aucun protocole ne s’adresse ». C’est donc sur le soutien des fédérations et l’entraide entre paires que les résidences doivent compter pour avancer et protéger le public fragile qu’elles accueillent.

Mais cette situation n’est-elle pas, dans une moindre mesure, partagée par les formes d’habitats intermédiaires, mêmes celles relevant du secteur médico-­social ? Dans le cas des résidences autonomies qu’elle dirige, Elsa Proteau a accès à une plateforme d’entraide départementale et s’entretient chaque semaine avec le conseil départemental, qui leur transmet notamment les procédures et directives qui les concernent. Mais, comme le rappelle la directrice, « le protocole général de confinement, nous n’en avons eu connaissance qu’une fois qu’il incluait les mesures pour organiser des visites de familles, c’est-à-dire le 21 avril ! ».


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