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3 octobre 2017

Tarifs dépendance : convergence public/privé d’un côté, disparités territoriales de l’autre

Alors que l’Etat s’échine, dans la douleur, à harmoniser les tarifs dépendance entre public et privé, voilà que la publication par les départements de la valeur de leur point GIR fait apparaître d’incroyables disparités territoriales.

En instaurant une tarification à la ressource et par conséquent un forfait dépendance basé sur une équation tarifaire objective, la réforme garantit en théorie une parfaite équité entre les établissements et par conséquent entre les personnes âgées hébergées. Certes, la mise en place d’une politique de convergence assure la redistribution progressive des moyens entre les acteurs (ou plus exactement le transfert du public vers le privé dans la situation actuelle) mais cette équité s’arrête aux frontières des départements tant les valeurs de points GIR font le grand écart d’un conseil départemental à un autre.

Un transfert massif du public vers le privé

Avant d’entamer un travail de convergence sur 7 ans, les écarts sont-ils si importants aujourd’hui entre établissements ? Pas tant que ça quand on prend pour référence les « médianes ». Enormes au contraire quand on considère les extrêmes tels que les a publiés récemment la CNSA (voir le tableau ci-dessous).

En moyenne, les tarifs des GIR 5-6 évoluent de 5,13 € (pour les Ehpad commerciaux) à 5,82 € pour les Ehpad publics rattachés à un hôpital ; les tarifs des GIR 3-4 de 12,09 € pour les commerciaux à 13,73 € pour les publics hospitaliers ; et les GIR 1-2 de 19,07 € toujours pour les commerciaux à 21,70€ toujours pour les Ehpad publics rattachés à un hôpital. Évidemment ces écarts sont encore plus importants lorsqu’on compare les extrêmes. Les tarifs des GIR 1-2 varient ainsi de 15,93 € (pour le décile le plus bas des Ehpad commerciaux) à 26,15 € (pour le décile le plus élevé des Ehpad publics). Soit 10,22 € de différence pour le tarif dépendance d’une personne située dans le même GIR ! Pour les tarifs 3-4, les tarifs évoluent également de 10,11 € à 16,65 €. Et pour un GIR 5-6 de 4,31 € à 7,06 €, les Ehpad commerciaux étant systématiquement les moins bien dotés et les Ehpad publics rattachés à un hôpital systématiquement les mieux dotés.
Dans tous les cas, les tarifs du secteur privé à but non lucratif se situent à mi-chemin entre ceux du secteur commercial et du secteur public. Et au sein du secteur public, les tarifs sont toujours plus élevés dans un Ehpad rattaché à un hôpital que dans les Ehpad autonomes ou gérés par un CCAS.
Rien d’étonnant dès lors qu’au vu de ces tarifs la convergence se traduise par un gain pour le secteur commercial (puisque ces tarifs sont largement inférieurs à la moyenne), par une relative neutralité pour le secteur associatif et par une perte pour le secteur public. Et c’est là évidemment que le bât blesse, la FHF étant vent debout contre ce qui s’apparente pour elle à un hold-up.
Car ici l’équité a un prix : et il est lourd pour le secteur public. Faut-il que chaque personne âgée hébergée soit traitée de la même façon quel que soit le statut juridique de son établissement d’accueil ? Si oui – et sans abondement supplémentaire massif qui aurait permis de donner plus à ceux qui ont moins sans enlever à ceux qui ont plus – alors la redistribution interne au secteur se fait à l’évidence au détriment du secteur public. Un transfert public-privé illustré ci-desssous par une simulation réalisée sur la base d’un Ehpad de 80 lits ayant une dotation dépendance située dans la « médiane » (voir tableau ci-dessous).

La démonstration est ici évidemment saisissante : le secteur commercial est le grand (et unique) gagnant de la réforme « en moyenne ». Car à l’évidence ces « moyennes » cachent de grandes disparités à l’intérieur même des secteurs juridiques, tous les établissements publics n’étant pas aussi bien dotés les uns que les autres.

Départements : comment trouver son point G

Pour que l’équité soit parfaite, il faut une équation tarifaire parfaitement équitable. Or la formule de calcul repose notamment sur une inconnue qui varie (énormément) d’un département à l’autre : la valeur du point GIR.
Depuis le 30 avril dernier, les Départements tenus qu’ils sont de publier une valeur de point GIR – qui sera la valeur de référence pour le calcul des forfaits de l’ensemble des Ehpad d’un même département – sont plus de 95% à l’avoir fait. Selon nos informations, seuls 6 départements – Loire, Ain, Marne, Yvelines, Haute-Vienne et Guadeloupe – n’avaient pas encore publié leur valeur de point GIR cet été.
D’autres, une vingtaine, ont publié leur valeur de point GIR mais refusent de l’appliquer en 2017 estimant qu’ils ne sont pas prêts à entamer la « convergence » avant 2018. On compte notamment parmi ceux-là les départements suivants : Allier, Bas-Rhin, Côte d’Or, Côtes d’Armor, Gers, Hérault, Haute-Garonne, Indre-et-Loire, Loiret, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Orientales, Tarn-et-Garonne, Vosges.
Mais au regard de la publication de la désormais quasi-totalité des « valeurs de point GIR », on est évidemment frappé là encore par une grande diversité qui ne cesse d’étonner. La valeur du point GIR varie ainsi de 9,47 en Corse du Sud à 5,68 dans les Alpes Maritimes ! Les 10 départements les plus favorisés ont en moyenne une valeur de point de 8,1 quand les 10 départements en bas de tableau ont une valeur moyenne de 6,1.
Si un bras de mer les sépare, l’Ehpad d’Ajaccio devrait pourtant, à GMP équivalent, s’en tirer avec une dotation dépendance 66% plus élevée que l’Ehpad de Nice… Ce qui, pour une réforme qui a pour objet d’instaurer un traitement équitable entre établissements pose quand même problème. Si l’harmonisation se fait entre public et privé, elle est loin de se faire entre les différents coins du territoire.

 


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