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5 mai 2021

Une définition tortueuse de la maltraitance

Plus de 10 ans maintenant que la promotion de la bientraitance est devenue une notion bien ancrée dans le paysage médico-social mais voilà que les travaux d’une commission viennent contrebalancer une méthodologie que nous pensions bien rodée et gage de qualité…

Possible que l’installation de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance vous ait échappée en mars 2018, ses travaux n’ayant pas connu depuis une grande publicité.

L’objectif de cette commission ? Pouvoir mettre en place une politique globale d’appui à la bientraitance… Comme si depuis la loi 2002-2 et les différents textes et circulaires qui ont suivi nous manquions de références pour lutter efficacement contre la maltraitance des personnes âgées ?

Apprendre à comprendre, réagir, prévenir…

Dix mois après son installation sort en janvier 2019 une première « note d’orientation ». « Note » : le terme n’était peut-être pas très choisi pour un document de… 117 pages. Cent-dix-sept pages pour « mettre en lumière la complexité des phénomènes de maltraitance liée à la diversité des situations, des publics, et à une échelle graduée des responsabilités ».

Une note qui dégage aussi trois axes de travail pour le moins novateurs, jugez-en… 1/ « comprendre pour réaliser les situations de maltraitance et savoir entendre ceux qui les subissent » : ce sont effectivement des questions que personne ne se posait avant la création de la commission… 2/ « réagir plus vite et plus efficacement » : fusse-t-il encore nécessaire de se le répéter. 3/ « prévenir les actes et situations de maltraitance » : on jugera, là encore, l’avancée conceptuelle majeure…

Vous avez dit définition claire et partagée ?

Finalement, 2 ans après, la commission vient de réussir à élaborer … un « vocabulaire partagé » de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité. Tout le monde conviendra en effet que les professionnels bouillaient d’impatience de disposer d’une définition accessible à tous de la maltraitance. En y incluant évidemment toutes formes de vulnérabilité qu’elles concernent l’enfance, les personnes âgées, ou les personnes en situation de handicap. Ben oui… au cas où vous, les acteurs concernés, attendiez ardemment cette définition pour enfin pouvoir repérer les situations de fragilités et pour pouvoir enfin travailler ensemble de façon coordonnée.

Alors, assez de suspense ! Vous avez suffisamment patienté depuis deux ans pour avoir droit enfin à cette définition. Attention ? La voici : « Il y a maltraitance d’une personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action, compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux, et/ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non ; leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations ».

Lisez-la. Relisez-la encore. Et si vous n’êtes pas certain d’avoir tout compris, la commission, bande de petits chanceux, a tout prévu y compris un lexique de chaque vocable pour la rendre plus claire…

Quel devenir pour les guides ANESM ?

Pour parvenir à cette définition modérément succincte, la commission a pu compter sur l’appui méthodologique de la Haute Autorité de Santé afin de s’assurer de la représentativité de tous les acteurs sur le sujet. Ce n’est pas comme si les travaux de l’ANESM menés pendant dix ans n’avaient pas déjà été le fruit de partages d’expériences de terrain vécues par les personnes elles-mêmes et les professionnels.

Mais justement, quel devenir pour les célèbres et redoutables guides, référentiels, chartes, recommandations de bonnes pratiques de l’ANESM ? Ne s’agissaient-ils pas de dispositifs de prévention ? Ces mêmes outils sur lesquels vous vous êtes appuyés pour réaliser vos projets d’établissements, les formations de vos équipes, les évaluations interne puis externe… Est-ce à dire que vous n’étiez pas depuis tout ce temps engagés dans une « ­véritable » démarche d’appui à la bientraitance ?

Et la suite ?

Mais soyez rassurés (ou pas), ce vocabulaire n’étant pas figé, la Commission précise qu’il pourra faire l’objet de réévaluations tous les 3 ans au gré des évolutions sociétales. Parce que la vulnérabilité et la maltraitance étant des notions évolutives, la définition pourra elle aussi évoluer. Cette évolution annoncée de la définition ne devrait pourtant pas empêcher son inscription prochaine dans le Code de l’Action Sociale et des Familles ainsi que dans le Code de Santé Publique. Prévoyez donc de racheter de nouveau tous vos codes dans trois ans pour suivre le mouvement… De nouveaux référentiels d’évaluation des établissements et services médico-sociaux et de certification des établissements de santé devraient aussi voir le jour, préparez-vous donc à mettre au rebus vos référentiels ANESM et à faire de la place sur vos étagères.

Mais l’action réformatrice de la Commission ne s’arrêtera pas là puisqu’elle sera aussi présente sur les territoires pour s’assurer de l’opérationnalité de ses travaux et pour pouvoir accompagner les acteurs dans la pédagogie à adopter.

Si vous avez perçu dans ces commentaires une once d’agacement, détrompez-vous. Il s’agit plutôt d’un soupçon de lassitude.

Christelle Mallet


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