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4 juillet 2018

Zéro contention ?
Un objectif atteignable !

Pour Yves Carteau et Xavier Gervais tout deux médecins coordonnateurs et qui ont créé la formation « Objectif Zéro Contention », la contention n’est pas une fatalité pour assurer la sécurité des résidents en Ehpad. Mais tout ceci suppose une stratégie bien précise…

Nous sommes de fervents défenseurs de la liberté d’aller et venir, mais nous ne sommes pas les seuls. Régulièrement je croise des médecins coordonnateurs qui, mus par la même conviction, ont élaboré une stratégie abolissant le recours à la contention. Cette démarche prend son assise sur la volonté du directeur d’agir et s’appuie sur la conviction du médecin coordonnateur que l’objectif « zéro contention » est atteignable. C’est pourquoi nous affirmons que la contention n’a pas sa place en Ehpad, et ne doit être réservée qu’à des situations très exceptionnelles et de très courte durée pour lesquelles on mettra en œuvre l’Annexe 3-9-1. En revanche, concernant les chutes, l’objectif n’est pas zéro chute. Nous devons accepter le risque de chute comme inhérent au risque courant de vivre libre. Par contre, nous devons tout faire pour éviter les conséquences graves d’une chute, a fortiori si elle est iatrogène, notamment secondaire à la contention.

Les résistances sont nombreuses et très ancrées. Entre les « vieux soignants », comme moi, à qui on a appris très jeune à attacher une personne âgée « pour son bien », les familles qui menacent les soignants de poursuites judiciaires à la moindre chute, les directeurs qui les craignent et l’hôpital qui ne montre pas toujours le bon exemple. Qui n’a pas vécu ces situations ? Malgré tous ces obstacles, c’est possible ! Et par expérience, tous les acteurs en retirent une grande satisfaction, à commencer par le premier bénéficiaire, le résident.

Des étapes précises

Étape 1 : constituer une « force d’intervention », a minima le directeur et le médecin coordonnateur, et idéalement complétée d’autres membres de l’équipe convaincus du bien-fondé de la démarche : IDEC, psychologue, kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricien, IDE, aide-soignant…

Étape 2 : libérer la parole de l’équipe sur ce sujet afin d’évacuer la culpabilité et faire émerger les fausses croyances (la contention c’est pour sa sécurité…) et les craintes.

Étape 3 : faire prendre conscience du bénéfice-risque défavorable de la contention et connaître le nouveau contexte réglementaire, à dessein très contraignant pour être dissuasif, pour la mise en œuvre d’une mesure de restriction de la liberté d’aller et venir, ce que l’on pourrait appeler « la peur du gendarme ». Effet garanti !

Étape 4 : former l’équipe aux stratégies alternatives à la contention, tant environnementales, médicales que comportementales. Enfin, il s’agit de planifier leur déploiement. Cela peut prendre six mois jusqu’à un an ou plus. Car, au prétexte de la « peur du gendarme », la pire des choses serait de retirer toutes les contentions du jour au lendemain, avec une épidémie de chutes à la clé…

Avancer pas à pas

Ce processus passe par l’atteinte successive de plusieurs objectifs. Le premier, au moment des nouvelles admissions, est d’expliquer au résident et à son entourage la stratégie de non contention, son bien-fondé, le contexte réglementaire. Puis il convient de s’intéresser au cas des résidents parfois « contentionnés » depuis de nombreuses années. Pour certains, cela pourra être rapide, les soignants désignant rapidement ceux chez qui les mesures de contention peuvent être immédiatement levées. Ensuite, continuez par « les plus faciles » pour éviter les mises en échec et s’aguerrir à cette pratique, et terminez par « les plus compliqués ». Pour chaque cas, évaluez, élaborez et mettez en place des stratégies alternatives individuelles. Lorsque à l’issue du délai que vous avez fixé (une semaine, un mois…), les stratégies alternatives sont opérationnelles et efficaces, passez au résident suivant et répétez la séquence. Il faut savoir prendre son temps pour accompagner chacun convenablement. Pendant cette période de transition il faut accepter de ne pas être en conformité avec la loi car il est totalement impossible de mettre en œuvre l’annexe 3-9-1 à grande échelle tant elle est contraignante, afin d’être dissuasive. De toute façon comment assurer et tracer 24h/24 une surveillance horaire de tous les résidents contenus ? C’est tout le paradoxe de la situation.

Pour plus d’information sur la formation « Objectif Zéro contention » : http://www.ffamco-ehpad.org/

Contention : quelques rappels fondamentaux

Pour rappel, les barrières de lit, y compris demi-barrières, l’adaptable coincé dans les pieds du fauteuil sont des contentions. Le fauteuil coquille est une fausse bonne solution car il entraîne une grabatisation et des rétractions irréductibles. Les mesures individuelles de restriction de la liberté d’aller et venir ne sont autorisées que « pour mettre fin au danger que le résident fait courir à lui-même par son propre comportement du fait des conséquences des troubles qui l’affectent ». Autrement dit, il est interdit par la loi de prendre une mesure de restriction de la liberté d’aller et venir (contention, enfermement dans sa chambre…) pour un résident au prétexte qu’il déambule et importune les autres résidents. Enfin, n’oublions pas que les mesures collectives (architecturales, digicodes…) relatives à l’exercice de la liberté d’aller et venir des résidents figurant au règlement de fonctionnement, doivent faire l’objet d’une évaluation pluridisciplinaire de leur proportionnalité par rapport aux risques encourus par les résidents, dans le cadre d’une procédure associant l’équipe médico-sociale de l’établissement.


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